Le mantra « Fake it till you make it » est omniprésent dans l’entrepreneuriat, le développement personnel et le leadership. Mais derrière cette phrase souvent galvaudée se cache une théorie scientifique solide, issue de la psychologie sociale : la Self-Perception Theory.
Qu’est-ce que la Self-Perception Theory ?
La Self-Perception Theory (théorie de l’auto-perception) a été formulée en 1972 par le psychologue social Daryl Bem.
Définition simple
Les individus déduisent leurs attitudes, croyances et émotions en observant leurs propres comportements, surtout lorsque leurs états internes sont ambigus.
Autrement dit :
nous ne savons pas toujours ce que nous pensons… jusqu’à ce que nous observions ce que nous faisons.
’étude fondatrice de la Self-Perception Theory
📄 Publication clé
Bem, D. J. (1972)
Self-Perception Theory – Advances in Experimental Social Psychology
Cette publication ne repose pas sur une seule expérience, mais sur une série d’expériences venant expliquer des résultats jusque-là attribués à une autre théorie dominante : la dissonance cognitive.
Exemple expérimental emblématique
Le paradigme du comportement forcé
Dans ces expériences :
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Des participants effectuent une tâche ennuyeuse
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Ils sont amenés à dire à d’autres que la tâche est intéressante
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Ils reçoivent peu ou pas de récompense
Résultat surprenant :
Les participants finissent par croire réellement que la tâche était intéressante.
L’interprétation de Bem
Contrairement à la dissonance cognitive, Bem explique cela ainsi :
« J’ai dit que c’était intéressant, sans contrainte évidente… donc je dois penser que c’est intéressant. »
Le comportement précède l’attitude.
Bem montre que dans de nombreux cas, aucune tension psychologique n’est nécessaire pour expliquer le changement d’attitude.
Le lien direct avec “Fake it till you make it”
Pourquoi « faire semblant » fonctionne (parfois)
Le principe du fake it till you make it repose exactement sur ce mécanisme :
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Tu adoptes un comportement (parler avec assurance, agir en leader)
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Ton cerveau observe ce comportement
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Il en déduit une identité cohérente
« Je me comporte comme quelqu’un de confiant, donc je suis confiant »
Exemples concrets
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Parler en public avant de se sentir légitime
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Adopter une posture assurée en réunion
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Se comporter comme un entrepreneur avant de s’en sentir un
Ce n’est pas de l’auto-illusion, c’est une construction progressive de l’identité par l’action.
Les limites du “Fake it till you make it”
La Self-Perception Theory fonctionne surtout lorsque :
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Les attitudes internes sont faibles ou floues
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Le comportement n’est pas perçu comme forcé
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Le contexte est cohérent dans le temps
Elle fonctionne moins bien si :
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Le comportement va contre des valeurs profondes
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Il est vécu comme totalement artificiel
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Il génère un stress intense ou une dissonance morale
Faker n’est pas mentir : c’est tester un comportement jusqu’à l’intégrer.
Pourquoi cette théorie est encore centrale aujourd’hui
La Self-Perception Theory est utilisée dans :
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le coaching et le leadership
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le marketing comportemental
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la psychologie du travail
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le design des habitudes (habit design)
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la thérapie comportementale
Elle a profondément influencé :
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les approches modernes de l’identité
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la notion d’action comme levier de transformation
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les méthodes de développement personnel basées sur le comportement
Que retenir : Fake it… intelligemment
Le fameux « Fake it till you make it » n’est pas une incitation à la tromperie, mais une stratégie psychologique documentée :
Agir précède souvent le fait de devenir.
La Self-Perception Theory nous rappelle une chose essentielle :
Nous nous construisons autant par ce que nous faisons que par ce que nous pensons.