La retraite est souvent vécue comme une rupture pour les dirigeants, cadres supérieurs et entrepreneurs dont la vie professionnelle structure l'identité. Pourtant, certaines transitions se font avec une remarquable fluidité.
C’est le cas de Jean-Laurent Santoni, multi-entrepreneur, ancien directeur au sein d’un grand groupe américain leader de son marché, aujourd'hui pleinement engagé dans une seconde vie faite de transmission, d’enseignement et d’aviation.
Dans cet article, il partage son expérience de la préparation mentale à la retraite, un sujet essentiel pour tous ceux qui ont longtemps été « dans l’action » et souhaitent réussir cette nouvelle étape sans perte de sens.
Retraite et identité professionnelle : distinguer ce que je fais de ce que je suis
Pour beaucoup de dirigeants, la retraite est vécue comme un risque de perte de statut ou de repères. Jean-Laurent l’a, lui, abordée sous l’angle de l’identité de rôle.
La préparation s’est faite naturellement en distinguant ce que l’on fait (le rôle, la capacité, je fais le manager) et ce que l’on est (l’identité profonde, l’essence, je suis un être humain).
Cette prise de conscience lui a permis de quitter la vie exécutive sans crise identitaire, en réorientant ses capacités vers une identité intégrée de mentoring, de partage et d’entraide. Aujourd’hui, il participe à des travaux de recherche, à de la formation, à de la transmission, tout en donnant davantage de place à ses intérêts extra-professionnels, notamment l’aviation.

Anticipation émotionnelle : transformer la retraite en nouvelle aventure
De nombreux dirigeants appréhendent la retraite avec crainte : perte d’utilité, baisse d’adrénaline, peur du vide. Le parcours de Jean-Laurent offre une perspective différente sur cette étape de vie.
Dans les métiers intellectuels et de management qui ont été les siens, rien ne l’obligeait à prendre sa retraite à la date légale. Il aurait pu continuer de travailler dans un écosystème où sa compétence est reconnue. Pourtant, il n’a pas vécu cette transition comme un deuil professionnel.
La décision a été prise avec mon épouse non pas comme la fin de quelque chose, mais davantage comme le début d’autre chose, avec toute l’excitation de ce qu’il y avait à vivre, ayant la chance d’être en bonne santé.
Parce qu’il n’était pas attaché aux attributs de la fonction, parce que ses enfants n’étaient plus à charge, la retraite est devenue un projet de vie et non une fin en soi.
Construire un nouvel équilibre de vie après la direction d’entreprise
Le “vide” que ressentent parfois les anciens dirigeants n’a jamais eu sa place dans le parcours de Jean-Laurent. Son secret : une transition pensée comme une suite d’étapes choisies, et non subies.
1. Manager de transition : capitaliser sur son expérience
Il choisit d’abord de rejoindre, comme manager de transition, un groupe familial français en plein rachat par un concurrent américain, celui-là même au sein duquel il avait exercé pendant dix ans. Il met son expertise au service d’un passage de relais délicat, sans se réenfermer dans une logique de carrière classique.
2. Création d’entreprise : passer du pouvoir à la transmission
Après cette expérience, il crée son entreprise intégrée à une start-up où il côtoie de jeunes consultants avec lesquels il garde encore des liens à travers le monde. Il n’est plus dans une relation hiérarchique de pouvoir, mais dans une relation de transmission et d’accompagnement dans le cadre de projets partagés.
3. Changer de cadre de vie : la sobriété heureuse en Corse
L’ultime étape de cette construction est le départ de Paris pour rejoindre la maison familiale en moyenne montagne corse. Elle passe de maison de vacances d’été à résidence principale à l’année, dans une forme de sobriété heureuse, chère à Pierre Rabhi.

Des activités supports pour le mental : transmettre, apprendre, créer
Pour structurer sa retraite, Jean-Laurent a pensé ses engagements selon deux axes : un axe altruiste et un axe personnel. Ensemble, ils nourrissent son sens, sa motivation et son bien-être psychologique.
Axe altruiste : proximité avec les jeunes et transmission
Il s’investit auprès des jeunes à travers :
- la formation B.I.A (Brevet d’Initiation Aéronautique) auprès de lycéens de sa commune ;
- l’enseignement à la faculté de Corte.
Au-delà des connaissances techniques, c’est surtout du savoir-être et de la confiance en soi qu’il souhaite leur transmettre.
Axe personnel : nourrir un cerveau qui ne prend pas sa retraite
Jean-Laurent rappelle une réalité simple :
Qu’on le veuille ou non, le cerveau ne prend pas sa retraite. Allégé des responsabilités et de l’angoisse financière du lendemain, il ne demande qu’à vibrionner.
Pour canaliser ce « petit vélo » mental, il choisit de nourrir sa passion de l’aviation avec un projet très concret : la construction d’un biplan Keibitz dans son garage.

Passer de l’intellectuel au manuel, façonner la matière, apprendre un nouveau geste technique : autant d’expériences qui apaisent, stimulent et émerveillent. Sans oublier la réaction de ses proches, et surtout de ses petits-enfants, fiers de voler dans «l’avion de leur Bappu» (n.d.l.r : Grand-père en corse).

Sa méthode de préparation mentale à la retraite
Si Jean-Laurent devait résumer sa philosophie de la retraite pour celles et ceux qui ont toujours été dans l’action, elle tiendrait en quelques lignes de force.
1. L’hygiène de vie : base d’une retraite heureuse
Il n’est pas de retraite épanouie sans santé. Prendre soin de soi, de son corps, de son énergie, est un socle indispensable pour profiter de ces années autrement.
2. L’entourage : ne pas vivre la transition seul
La retraite signifie un changement de rythme de vie. Celui-ci peut être heureux en couple, mais plus difficile en solitaire. La sortie de l’environnement professionnel entraîne un tri social inévitable : l’entourage devient alors un facteur clé de stabilité émotionnelle.
3. Le détachement et la sobriété heureuse
Vient enfin le détachement vis-à-vis des choses inutiles : apprendre à identifier ce qui, dans notre vie, fait vraiment fond, et ce qui ne fait que figure. Pour Jean-Laurent, c’est la voie vers une forme de sobriété heureuse, où l’on ralentit le temps pour en apprécier chaque moment.
Que Retenir : la retraite comme seconde vie, pas comme fin de parcours
Le parcours de Jean-Laurent Santoni montre que la retraite n’est pas un arrêt, mais une transformation. Il n’a pas cherché à remplacer sa vie professionnelle, mais à la réinventer.
Transmission, passion, équilibre, lucidité : son témoignage est une source d’inspiration pour tous les dirigeants et entrepreneurs qui souhaitent préparer la suite de leur parcours sans renoncer à leur vitalité, leur curiosité et leur envie d’être utiles.