Etude : People systematically overlook subtractive changes — Adams et al., 2021. Publié dans Nature.
L’étude d’Adams et ses collègues (2021) met en lumière un biais cognitif robuste : face à un problème d’amélioration, les personnes imaginent naturellement des ajouts (nouveau composant, nouvelle étape, nouvelle fonctionnalité) plutôt que des soustractions (retirer, simplifier, alléger). Cette tendance systématique à privilégier l’« ajouter » conduit souvent à des solutions plus coûteuses, plus complexes et moins efficaces.
Résultats essentiels
À travers plusieurs expériences contrôlées (tâches de manipulation d’objets, exercices de design et d’organisation), les auteurs montrent que :
- La majorité des participants proposent des solutions additives même lorsque des retraits offrent une amélioration plus simple et plus efficace.
Exemples :
On demandait à des participants d’ajuster une structure de Lego pour la rendre plus stable. La plupart d’entre eux ajoutaient des briques, alors qu’une solution plus rapide et plus efficace consistait à en retirer une.
Autre exemple : rendre ces dessins symétriques en modifiant le moins de case possible :

Même chose dans des tâches de rédaction, d’organisation ou de design : la majorité des gens proposaient des ajouts plutôt que des retraits
- Ce biais est généralisé : il apparaît dans des contextes matériels, informationnels et organisationnels.
- La préférence pour l’ajout s’explique en partie par des normes sociales et cognitives — ajouter est visible et perçu comme « faire » quelque chose ; enlever apparaît comme passif ou destructeur.
Pourquoi nous pensons à ajouter plutôt qu’à enlever
Les mécanismes proposés par les chercheurs comprennent :
- Heuristiques culturelles : dans de nombreux contextes professionnels et commerciaux, « innover » s’assimile à ajouter des fonctionnalités.
- Signal social : ajouter est une action visible (on montre qu’on a contribué), alors que supprimer est discret et parfois difficile à défendre devant des parties prenantes.
- Manque d’entraînement : la pensée soustractive est un exercice cognitif distinct qui n’est guère encouragé dans les formations classiques.
Impacts pratiques
Ce biais a des conséquences concrètes dans plusieurs domaines :
- Innovation produit : accumulation de fonctionnalités (feature bloat) nuisant à l’expérience utilisateur.
- Processus internes : multiplication des étapes administratives qui ralentissent et complexifient la prise de décision.
- Communication : empilement d’outils et d’alertes qui fragmentent l’attention des équipes.
Comment intégrer la pensée soustractive — checklist
Avant d’ajouter une fonctionnalité, un process ou une règle, testez ces questions :
- Que puis-je retirer sans détériorer l’objectif principal ?
- Quelle option, si on l’enlevait, simplifierait l’usage pour la majorité des utilisateurs ?
- Existe-t-il un protocole de test A/B comparant une version « allégée » et une version enrichie ?
- Qui serait impacté par la suppression et comment le compenser efficacement ?
Recommandations pour décideurs et designers
Pour transformer ce constat en avantage stratégique :
- Intégrer une étape de « dé-scope » lors des revues de projet : identifiez systématiquement ce qui peut être retiré.
- Former les équipes à la pensée soustractive via ateliers (exercices de simplification sur cas réels).
- Mesurer l’impact de la simplification : temps gagné, erreurs réduites, satisfaction client.
Qu'en penser?
L’étude d’Adams (2021) rappelle un principe souvent négligé : l’amélioration ne passe pas toujours par l’ajout. Dans un environnement où la complexité augmente constamment, adopter la soustraction comme levier stratégique est une compétence à cultiver — tant pour la conception produit que pour l’organisation.