J’adore les histoires qui nous rappellent que l’innovation n’est pas toujours cette grande idée lumineuse qui surgit dans un bureau ou dans un laboratoire. Parfois, elle arrive à travers un détail du quotidien, un échange, un regard posé ailleurs.
Et l’histoire que je veux partager aujourd’hui est exactement de cet ordre-là. Elle commence dans un hôpital pédiatrique de Londres, le Great Ormond Street Hospital (GOSH), et se termine… sur un circuit de Formule 1, aux côtés de l’équipe Ferrari.
Un moment critique qui nécessitait mieux
Dans les années 90, les équipes du GOSH faisaient face à un défi : le transfert des enfants de la salle d’opération vers les soins intensifs. Un moment délicat, chargé d’émotions, de câbles, de machines, d’attention extrême.
Malgré le professionnalisme, les pertes sont nombreuses, alors que l'opération s'est bien passée, le transfert aux soins intensifs fait face à un taux de mortalité inacceptable.
Les médecins savaient qu’il fallait revoir quelque chose… mais quoi ?
Le déclic inattendu : un dimanche devant la télévision
Après 10 années à tenter d'améliorer le processus, et alors qu'ils sortent d'une opération particulièrement intense, deux chirurgiens se retrouvent en salle de repos devant un Grand Prix de Formule 1. Et là, un détail les frappe : la chorégraphie parfaite d’un pit-stop Ferrari.
En quelques secondes, l’équipe change les pneus, ajuste les réglages, contrôle chaque détail… sans confusion, sans hésitation, avec une fluidité fascinante.
Ce moment de grande précision chorégraphiée leur fait comprendre quelque chose : “Et si ce que nous cherchons ne venait pas de la médecine… mais de la Formule 1 ?”
Quand deux mondes se rencontrent
Ce qui aurait pu rester une réflexion amusante est devenu une collaboration historique. Ferrari a accueilli les médecins du GOSH dans les coulisses du paddock. Et en retour, les ingénieurs de F1 sont venus observer les transferts réels de patients au bloc opératoire et transmettre leurs observations et retours.
De cette rencontre improbable sont nées des idées incroyablement concrètes. Pas de grands discours. Pas de révolution technologique. Juste des pratiques simples, ultra-efficaces, copiées directement des arrêts au stand.
Les apports très concrets de Ferrari à l’hôpital
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1. Le “chef d’orchestre” visible
Dans un pit-stop, une personne est clairement identifiée pour donner le GO et le STOP. Ferrari a suggéré de créer ce rôle dans le bloc : un référent unique qui regarde la scène en surplomb, coordonne les gestes et valide le transfert avant tout mouvement. Résultat : moins d'interruptions, moins d'hésitation, plus de fluidité.
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2. La position fixe de chacun autour du patient
En F1, les mécaniciens se placent toujours exactement au même endroit autour de la voiture. Ferrari a conseillé de reproduire cela autour du patient : chaque soignant a désormais une place définie (tête, perfusions, monitoring, respiration…). Moins de collisions de gestes, moins de tensions, moins d’erreurs.
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3. Les gestes codifiés, silencieux
Les membres des pit-stops communiquent très peu à l’oral : tout est codé par des gestes nets. Le GOSH a adopté certains signaux pour réduire le bruit et la confusion : un signe pour “branché”, un autre pour “débranché”, un autre pour “prêt”, etc. Le silence est devenu un outil de sécurité.
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4. La checklist inspirée du “pit-stop board”
Ferrari utilise un tableau simple, ultra-visuel, où chaque action est validée en temps réel. L’hôpital a créé une checklist similaire : une grande fiche placée à la tête du patient, où chaque étape est cochée à voix haute et validée par le chef d’orchestre. On ne passe pas à la suite sans validation — comme en F1.
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5. La simulation répétée… comme à l’entraînement
Les équipes Ferrari s’entraînent à répéter exactement les mêmes mouvements des dizaines de fois. Le GOSH a introduit les “dry runs” : des répétitions à vide, sans patient, pour améliorer la coordination et ajuster chaque geste. C’est devenu une routine précieuse.
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6. Le débriefing à chaud, façon paddock
Après chaque pit-stop, l’équipe Ferrari fait un mini débrief à chaud. L’hôpital a gardé cette idée : 2 minutes de retour d’expérience immédiatement après le transfert. Pas de jugement, seulement : “Qu’est-ce qui a été fluide ? Qu’est-ce qu’on peut encore simplifier ?”
Ce sont ces éléments — simples, presque évidents — qui ont transformé la manière de travailler au bloc. Et c’est peut-être ce qui rend cette histoire si inspirante : l’innovation n’est pas toujours technologique… elle peut être chorégraphique.
Les résultats : plus de sécurité, moins de stress
Grâce à cette collaboration improbable, l’hôpital a réussi à réduire de 66 % les erreurs lors des transferts, à apaiser les équipes et à rendre chaque passage plus fluide et plus sûr pour les enfants opérés. Ceci est aujourd'hui devenu une norme de base.
Ce que nous dit cette histoire
Nous restons souvent enfermés dans l’idée que notre expertise suffit. Pourtant, sortir de notre centrisme, c’est accepter qu’une solution existe peut-être déjà… mais dans un tout autre domaine. Parfois, l’innovation ne tient qu’à ce déplacement du regard.